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(à ce qu’il m’a toujours semblé) le point véritable, je ne me cache point de dire que ceux qui ont voté différemment, ont commis à mes yeux une bévue politique. Probablement qu’ils n’avaient pas fait les mêmes efforts pour parvenir à la solution de ce grand problème, qui, cependant, ne sera bien jugé et en dernier ressort, que par la plume du Tacite qu’adoptera la postérité. Quant à moi, j’ai fait mon devoir d’homme et de législateur ; et je le fais encore ici, comme écrivain indépendant et libre.


DE LA RACE DÉTRÔNÉE



Est-ce bien le même individu, couronné et sacré à Reims, monté sur une estrade, environné de tous les grands, tous à ses genoux ; salué de mille acclamations, presque adoré comme un Dieu ; dont le regard, la voix et le geste étaient autant de commandements, rassasié de respects, d’honneurs et de jouissances, enfin séparé, pour ainsi dire, de l’espèce humaine ; est-ce bien le même homme que je vois bousculé par quatre valets de bourreau, déshabillé de force, dont le tambour étouffe la voix, garrotté à une planche, se débattant encore ; et recevant si mal le coup de la guillotine, qu’il n’eut pas le col, mais l’occiput et la mâchoire horriblement coupés.

Son sang coule ; les cris de joie de quatre-vingt mille hommes armés ont frappé les airs et mon oreille ; ils se répètent le long des quais ; je vois les écoliers des Quatre-Nations qui élèvent leurs chapeaux en l’air : son sang coule ; c’est à qui y trempera le bout de son doigt, une plume, un morceau de papier ; l’un le goûte, et dit : Il est bougrement salé ! Un bourreau, sur le bord de l’échafaud, vend et distribue des petits paquets de ses cheveux ; on achète le cordon qui les retenait ; chacun emporte un petit