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lorsque la justice a fait couler le sang. Si le roi périt sur un échafaud, cette tragédie partagera l’Europe ; elle sera l’origine de débats interminables qui serviront de prétexte contre les Français.

« La captivité prévient ces commotions sanglantes. Ceux qui seraient tentés de se dire rois, ne l’oseront pas ; nous n’aurons point de prétendants, on cessera bientôt de s’intéresser pour un fantôme qui doit s’éteindre : il sera dit à l’Europe que l’impunité n’est plus le privilège des potentats. »

Tel est à peu près le résumé que je me suis fait sur cette grande question ; et mon opinion fut conçue dans presque les mêmes termes.

Les Girondins voulaient sauver le roi, mais ils ne voulaient pas en même temps perdre leur popularité ; et le despotisme populacier exerçait alors tout son empire ; c’était à qui le caresserait. Les Girondins imaginèrent l’appel au peuple, comptant bien qu’en prenant cette route, l’issue du procès aurait une foule de chances favorables ; mais ils se trompèrent, et je fis de vains efforts pour les dissuader. Je m’opposai à l’appel au peuple, et je leur dis qu’ils s’enferreraient eux-mêmes. Ils auraient pu être divisés sur la peine capitale : ils se réunirent dans le même vote, et, par là, ils composèrent la voix de la majorité, quoique leur dessein secret fût d’épargner à la nation le spectacle d’un roi traîné à l’échafaud.

C’est ainsi que dans les grandes affaires politiques, le raffinement et la dissimulation vous font toucher un but contraire. Je crus de mon côté qu’il ne fallait point ruser, et supérieur à la crainte, ferme dans mes principes, je me séparai dans cette occasion des Girondins que j’avais toujours aimés et estimés. Je votai contre l’appel au peuple, en m’énonçant avec la même franchise contre la peine de mort.

L’examen de cette question me donna une fièvre de quarante-huit heures, et je fis passer par ma tête des volumes de réflexions. J’en tombai malade ; et ayant rencontré