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offrir, les représentants du peuple ne sont plus des juges ; puisque les crimes sont avérés, ils ne sont plus que des vengeurs ; ils doivent sans retardement prononcer la peine qu’ils méritent. Les lois politiques d’une nature supérieure exigent que la France ne soit pas livrée à l’incertitude ; nous sommes en guerre civile ; deux partis se choquent afin que l’un cède à l’autre. Ou la république, ou le despotisme d’un seul ! Est-il utile, est-il nécessaire que Louis XVI périsse ?

« Je soutiens que le roi est mort, qu’il est enseveli : il n’a plus d’existence politique. Il aurait fallu, et il ne faut encore le considérer que comme étant retranché à jamais de la société ; les lois politiques ont tué l’être politique ; elles ont fait ce qui était nécessaire. Le roi n’est plus qu’un fantôme ; et avoir placé sa tête sous la hache de la loi, c’est comme si elle était tombée. Après la déchéance de la royauté il était de la saine politique d’écarter ou d’ajourner la peine du ci-devant couronné ; car le temps est aussi un législateur qui débrouille les questions les plus épineuses ; et la solution du problème était dans ce vers de la fable : Avant ce temps, le roi, l’âne ou moi, nous mourrons. Mais ce sage parti n’a pas plu au parti désorganisateur : il appelle le trouble, il aime la discorde, il échauffe tout pour produire l’incendie. L’un va jusqu’à dire : Je veux voir sa tête au Carrousel ; et il prend ce langage pour celui d’un législateur ; l’autre abuse du nom de républicain, sans songer que la république n’est pas encore faite. Le vrai politique dit : Jugez Louis XVI ; prononcez qu’il mérite la mort ; mais ne prononcez point la peine de mort.

« Si Louis XVI n’est plus un être politique pour nous, il l’est encore pour les potentats de l’Europe. Les maximes antisociales qui leur font regarder les états comme des métairies, et les peuples comme des troupeaux, ces maximes leur dicteront des impostures nouvelles : ils calomnieront les Français ; ils abuseront de l’ignorance de leurs sujets ; ils achèveront de verser l’or pour échauffer leurs farouches satellites ; le frère du traître sera proclamé régent ; le fils