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Paris le coupe-gorge du riche, et préparé la misère du peuple en brisant tous les liens sociaux, en tarissant tous les canaux de la circulation, en détruisant la confiance publique si nécessaire, si indispensable à la prospérité commune et au bonheur de tous.

S’il n’était pas prouvé qu’à vous seuls appartient l’opprobre des premiers jours de septembre, je vous rappellerais deux faits que vous ne pouvez nier. Je vous rappellerais ce paiement de 850 livres fait par ordre du conseil général, au marchand de vin qui fournissait vos assassins à la Force pendant leur horrible exécution ; je vous rappellerais le comité de surveillance, louant, la veille du massacre, les voitures qu’il destinait et qui ont servi à conduire à la carrière de Charenton les cadavres de Septembre.

Si la garde nationale eût été requise, si on l’eût commandé au nom de la loi, que des chefs perfides et sanguinaires s’appliquaient à paralyser, combien elle eût été forte et courageuse ! elle se serait levée toute entière : mais, cette garde nationale dont la masse est restée pure au milieu de tous les genres de corruption et de brigandage, n’a-t-elle pas craint qu’on ne l’accusât d’avoir agi sans réquisition ? n’a-t-elle pas craint qu’en voulant punir le crime, on ne l’accusât elle-même de s’être rendue criminelle ? Retenue par ces motifs, elle est restée immobile.

J’ai vu la place du Théâtre-Français[1] couverte de soldats que le tocsin avait rassemblés ; je les ai vus prêts à marcher, et, tout à coup, se disperser, parce qu’on était venu traîtreusement leur annoncer que ce n’était qu’une fausse alerte, que ce n’était rien. Ce n’était rien, grands dieux ! Déjà la cour des Carmes et celle de l’Abbaye étaient inondées de sang, et se remplissaient de cadavres : ce n’était rien.

J’ai vu trois cents hommes armés, faisant l’exercice dans le jardin du Luxembourg, à 200 pas des prêtres que l’on massacrait dans la cour des Carmes : direz-vous qu’ils

  1. Actuellement place de l’Odéon.