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la prison, où étaient d’autres assassins qui le massacraient avec une férocité dont on chercherait en vain des exemples chez les peuples les plus barbares.

À la prison de l’Abbaye, il était convenu entre eux, que toutes les fois que l’on conduirait un prisonnier hors du guichet en prononçant ce mot : à la Force, ce serait l’équivalent d’une sentence de mort. Ceux qui remplissaient à la Force le même emploi, c’est-à-dire le métier de bourreau étaient convenus de même qu’en prononçant ce mot : à l’Abbaye, cela voudrait dire qu’il fallait donner la mort au prisonnier qui était condamné. Ceux qui étaient absous par le sanglant tribunal étaient mis en liberté et conduits à quelque distance de la prison, au milieu des cris de : vive la nation !

L’Assemblée législative députa plusieurs de ses membres qu’elle chargea de rappeler à la loi les brigands, qui s’en écartaient d’une manière aussi atroce ; mais que pouvait le langage de la raison et de la morale sur des assassins altérés de sang, et la plupart plongés dans la plus crapuleuse ivresse, ? Cette mesure était insuffisante ; toute harangue devenait vaine, attendu que, pour dompter des tigres, il fallait de la force armée, il fallait que l’Assemblée sortît toute entière, et qu’elle vînt former autour de chaque prison un rempart inexpugnable. Ils repoussèrent par des menaces tous les avis et les conseils de paix qui leur étaient portés. L’abbé Fauchet, évêque du Calvados, membre de la députation, fut menacé, injurié, et peu s’en est fallu que de la menace on n’en vînt aux coups ; il vit l’instant où les assassins allaient le comprendre au nombre de leurs victimes. Il se retira, et vint rendre compte à l’Assemblée qui était elle-même dans la stupeur et l’avilissement, menacée d’une dissolution totale par l’infâme Robespierre qui exerçait une tyrannie sans bornes dans Paris.

Voyez l’accusation du député Louvet contre Robespierre, publiée dans les premiers temps de la Convention ; la conduite que ce faux patriote a tenue à l’égard de l’Assemblée législative, y est montrée au grand jour. On voit