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siblement la terreur et la défiance s’emparèrent des esprits. La création du papier-monnaie, en augmentant les alarmes, fortifia l’esprit des exécrables auteurs du pacte de famine exécuté et prolongé depuis avec autant d’astuce que de barbarie.


Journée du 21 juin 1792.


Enfin arriva le 21 juin 1792. Calme, sage, magnanime le 20 juin 1791, que le Parisien fut différent de lui-même à cette quatrième époque de la Révolution !

Aussi terrible que le jour où, commandé par Lafayette, il alla chercher le roi à Versailles, il marcha sous les bannières des faubourgs, au château des Tuileries. La menaçante diversité des armes désignait la trempe de chaque caractère et sa barbare industrie. On eût dit qu’il y avait pour chaque individu un roi à poignarder, à égorger, à déchiqueter, à couper par pièces.

En un moment, le palais fut investi, escaladé : des pièces de canon furent pointées contre les portes des vestibules. Des brigands montés sur les combles, s’introduisaient par les fenêtres. Tout ce qui retardait l’impétuosité des assaillants était brisé en éclats. On voyait voltiger du haut du pavillon du Nord et retomber sur la terrasse la collection des édits et arrêts du conseil dispersée par des mains sacrilèges.

Déjà les principaux conjurés avaient pénétré jusqu’à la chambre du roi. À l’aspect de ce monarque assis à côté de son épouse et de ses enfants, ils s’arrêtèrent interdits. En effet, il est juste de dire que Louis se montra tranquille, en n’opposant à 200 mille baïonnettes que son cœur pour défense.

Bientôt leur stupeur se changea en ironie. L’un d’eux coiffa Capet du bonnet rouge ; il lui présenta une bouteille pour l’abreuver du vin des assaillants. Le roi but et trinqua avec un sans-culotte.

Les bataillons populaires, désespérés de ce risible dénouement, et jugeant que le coup était manqué, se débandèrent,