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d’électricité. Tout ce qui touchait à la chaîne dut se ressentir de la commotion ; elle fut grande, elle fut universelle, elle fut telle enfin que son souvenir est propre à rallier tous les Français, si les ennemis du dehors, jaloux de notre liberté, venaient nous assaillir. Ce serait encore un moment de crise heureuse, un effort national qui reconstruirait subitement l’édifice de la liberté.

On ne saurait trop le répéter : jamais la cour des rois n’a offert un spectacle aussi majestueux ; et, puisque Louis XVI a été infidèle à cet auguste serment, et qu’il a pu oublier qu’il l’avait prêté à la face du ciel et devant un peuple généreux, il ne saurait être plaint des maux qu’il a fait tomber sur sa tête par le plus détestable des parjures.

Hé ! qu’avait-il de si beau dans son Versailles, dans cette espèce de forteresse où les courtisans et associés, fauteurs de l’esclavage, le retenaient comme prisonnier ? Jamais ils ne le perdaient de vue : sans cesse ils l’obsédaient, et le tout pour lui faire signer tout ce qui pouvait servir leur ambition ou accroître leur intérêt avec l’asservissement de la nation. Louis XVI s’est détrôné lui-même et, par sa fuite honteuse, vingt millions d’habitants qu’on appelait Francs par une sorte de dérision, d’esclaves qu’ils étaient, se sont trouvés libres comme par une espèce de prestige.

Il est impossible de donner une description de ces travaux qui ne soit beaucoup au-dessous de la réalité. Tous les citoyens de tous les âges ont brigué l’honneur de préparer de leurs mains le lieu où ils vont jurer de défendre la constitution et de vivre ou mourir libres. La multitude du monde, la vivacité des mouvements, la bigarrure des habits, tout concourait à la variété pittoresque de ce spectacle : ici ce sont les charbonniers, là les perruquiers, les forts de la halle, les porteurs d’eau ; les colporteurs n’ont pas voulu demeurer oisifs, les invalides ont prouvé que leurs bras étaient encore aussi vigoureux que leur âme était courageuse. On a vu même des femmes parées des ornements de leur sexe en oublier la faiblesse, et voiturer des brouettes.