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bientôt on fit la réflexion que les couleurs d’Artois étaient vertes ; on prit les couleurs des armes de la ville de Paris : de là, la cocarde tricolore, qui fera le tour du monde à raison des obstacles qu’on lui opposera.

On sonne le tocsin ; on dépouille les boutiques des armuriers, on établit des ateliers ; on organise des districts. Le marteau résonne, étend ou courbe le fer ; tous les instruments de cuisine sont emmanchés, une foule innombrable se porte aux Invalides, y prend tous les fusils, et, au grand étonnement des militaires, ne commet point de désordre ; on traversa des caves pleines de vins sans y toucher ; on ne voulait que des armes ; on traînait les canons du plus gros calibre, et ils marchèrent comme par enchantement. Des canonniers experts auraient demandé deux jours pour opérer ce qui fut fait en trois heures.

Tandis que M. Necker s’éloignait tranquillement dans sa chaise de poste, et que son renvoi avait décidé le plus grand soulèvement et le plus rapide dont l’histoire fasse mention, quelle nuit du lundi au mardi ! Des patrouilles qui se succédaient et se croisaient de quinze en quinze pas ! Une multitude agitée par la crainte, l’incertitude et l’indignation ! Un murmure vague accompagné des coups qu’on frappait sans objet déterminé sur les portes et les boutiques ! Ce son triste, monotone et continu de toutes les cloches d’une immense capitale ! Ce tocsin au milieu des ténèbres semblait appeler la colère et la vengeance d’un grand peuple pour briser un trône… Quelle nuit !… et vous tous, princes, ministres et administrateurs des empires, qui n’avez pas entendu ce tocsin, attendez-vous à l’entendre sonner au premier attentat contre la liberté.

Hé ! ce tocsin de la capitale se fit entendre d’un bout de l’empire à l’autre. Une puissance invisible frappait partout sur cette terre d’oppression, et, partout, l’on voyait sortir de son sein des hommes tout armés.

Et à quoi tenait ce grand mouvement ! Le dirai-je ? À une divinité qu’on appelle la peur ! La cour avait épou-