Page:Mercier - Le Nouveau Paris, 1900.djvu/37

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de l’axe politique ; elles sont également dangereuses. Où est le secret d’aller longtemps sans donner contre l’un ou l’autre de ces écueils ?

Mais j’entends les plaintes d’un honnête père de famille. Admirez un peu, me dit-il, la belle égalité qui règne à Paris entre les citoyens ! Après onze heures du soir, tous les piétons qui passent devant les corps-de-garde, sont obligés d’y entrer, pour montrer leur carte de sûreté, ou leur passe-port : mais les beaux messieurs en voiture ont seuls le privilège de passer et repasser, sans qu’on leur demande rien. Est-ce donc un brevet de civisme que d’être assez riche pour avoir un carrosse, ou même pour louer un fiacre ?

On a mis ordre depuis à ces caprices de quelques commandants de poste.


AVILISSEMENT DU MONARQUE


On peut dire qu’en 1788, il y avait cinq à six rois en France. La reine était un roi, le gros Monsieur était un roi, tous se disputaient l’autorité du roi dans la nomination aux charges, aux places, aux emplois, aux bénéfices, aux traitements. Tous ces gens-là s’embarrassaient fort peu du roi et de la royauté. On pouvait en juger par leur conduite et leurs procédés et surtout par leurs propos. Je puis attester que Louis XVI était l’objet éternel de leurs railleries et de leur mépris. Les sarcasmes, le mensonge, et la calomnie sont des traits qu’ils maniaient avec une adresse qui leur était particulière ; et certainement ils ont pu se vanter que sous aucun règne on ne porta jamais le talent de l’épigramme contre la personne du prince à un plus haut degré de perfection.

Lorsqu’elle eut bien avili l’idole, cette poignée de ci-devant privilégiés bien sots, bien fripons, et bien arrogants pour la plupart s’imagina ou voulut faire croire que toutes les puissances de l’Europe devaient s’armer pour défendre leurs places, leurs charges, leurs bénéfices, leurs traitements