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l’imprimerie, après avoir fait tant de bien, menace d’être épouvantablement funeste. C’est la pourriture de l’œuf : corruptio optimi, pessima.

Mais, dira-t-on, comment faire une loi répressive ? Il n’y a pas de maison à Paris, pour ainsi dire, où il n’y ait aujourd’hui une presse, soit à la cave, soit au grenier ; et dans les mansardes, deux ou trois journalistes.

Vous pensez bien que tous les royalistes, tous les aristocrates, les encouragent à miner le gouvernement qui leur est odieux. Le gouvernement fait des miracles ; il faut nier les miracles.

Et quand ce régiment de folliculaires est introduit jusques dans la salle du corps législatif, et qu’il n’y a qu’une banquette qui le sépare des législateurs, comment ne se croirait-il pas une puissance ?

En s’attribuant la puissance de médire, de satiriser, et de proclamer ses satires soir et matin, n’est-ce point là une autorité dans laquelle on se complaît ? Comment la supposer illégitime ?

Le journaliste vous dira qu’elle est infaillible, et que, par là même, elle devient irréprochable. Il ajoutera que lorsqu’elle est avouée par la malignité publique, elle devient dès lors souveraine.

C’est avec cette logique que le journaliste s’est dit législateur ; le législateur des rues, dont les décrets se publient dans les carrefours, et se promènent le long des ruisseaux. Quoi de plus authentique ! Qu’est-ce que la voix grêle qui parle à la tribune auprès du Stentor qui éveillera tout un quartier ? il a la proclamation dans toute sa force et sa plénitude.

Les journalistes feront le désespoir éternel des gouvernements ; ils n’ont plus à craindre qu’eux-mêmes, c’est-à-dire, le mépris où ils tombent par leurs propres excès : ils y ont marché à grands pas.

Il y a des pays où telle femme déclare qu’elle veut être courtisane et fille publique : on lui en délivre une patente et elle jouit de la liberté illimitée de se prostituer. Eh