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AFFICHES EN 1796



On ne peut faire un pas sans que l’œil se repose sur quelque annonce impudente portant qu’un tel prête, sur de bons nantissements, à un prix raisonnable ; et ce prix raisonnable est de 6, de 8 pour cent par mois.

Comment dompter l’exécrable cupidité des usuriers qui affichent sur toutes les murailles le cachet de leur friponnerie ? Ce qui fait gémir le politique et le moraliste, c’est que cette usure marche tête levée, et que les spéculateurs, si on les laisse marcher encore quelque temps, engloutiront toutes les dépouilles des rentiers, des commis et des fonctionnaires publics honnêtes. Cependant, Paris conserve une physionomie de tranquillité qui tient du prodige. Les agioteurs d’aujourd’hui ne le cèdent en rien au train des ci-devant hommes de la Cour ; ils les surpassent même en folie. On dirait que pour eux seuls sont créés les plaisirs et les richesses.

Jamais il n’y eut autant de spectacles, de concerts, de danses, de repas, de traiteurs, de limonadiers, de jardins publics, de feux d’artifice, de lycées, de journaux et de marchands de vin. C’est une sorte de phénomène, que cette variété d’amusements, au milieu de la guerre la plus meurtrière, à la suite d’une révolution qui n’eût dû faire naître que les idées les plus mélancoliques ; que cet appareil d’opulence qu’étalent les particuliers, au milieu de la détresse du gouvernement ; que cet esprit d’insouciance, de dissipation et de prodigalité qui s’est emparé de toutes les classes ; que cette soif du gain et ce défaut d’économie ; cette avidité de corsaire qu’on met en usage pour obtenir des richesses, et cette sorte d’extravagance avec laquelle on les dissipe. Un jour crée des fortunes, le lendemain, on les voit détruire. Tel, sorti de son galetas, a logé quelques mois dans le superbe palais, est contraint de regagner son premier gîte.