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nous extasions à la vue de leurs ceintures, de leurs perruques, de leurs robes ouvertes et qui montrent une jambe d’une beauté accomplie ; nous justifions le luxe ou plutôt le faste de leurs parures : mais est-il une de ces beautés si rayonnantes qui ait fondé un lit dans un hôpital pour le malade indigent ?

De plus importants projets les occupent : un cupidon de marbre manque à leur boudoir.

Il faut le matin étudier le journal des dames, et les échantillons de la mode ; disserter avec un perruquier sur l’efficacité de l’eau de volupté, dont le propectus, distribué au jardin Égalité, apprend aux lecteurs qu’elle a la propriété d’empêcher les maris de devenir infidèles à leurs épouses après leurs couches.

À voir les incroyables et les merveilleuses dans leur bizarre accoutrement, on se demande si la toilette d’un Adonis est plus longue que celle d’une nymphe. L’on juge que la perte de temps est égale de part et d’autre : les merveilleux se parfument comme les femmes, et comme elles, ils ont autant de rubans à s’attacher, de rosettes à former.

La toilette de leurs coursiers est plus longue encore que la leur. Combien de fois le cheval de cette Amazone a du pied frappé la terre d’impatience sous les ciseaux de l’appareilleur !

Après ces singularités, il en est d’autres qui ne sont pas moins piquantes : je veux parler des chanteurs de carrefours.

Ils se perfectionnent : on s’aperçoit qu’ils fréquentent le Concert-Feydeau, et se règlent sur les meilleurs modèles. Celui du Port-au-blé surtout, l’Orphée des Limousines, après le soleil couchant roucoule déjà dans le genre de Garat, et ses auditeurs enchantés répètent à mi-voix ses délicieuses roucoulades.

Ceux des piliers des Halles ne sont pas tout à fait si fringants : il est vrai que leurs chansons se ressentent beaucoup de la liberté républicaine : elles expriment à