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de tous les plaisirs, qui n’étaient jamais des réjouissances publiques.

Des feux d’artifice s’élancent de l’Élysée-Bourbon ; et pour un écu on achète le privilège de fouler avec la multitude ces magnifiques jardins, où l’on n’entrait pas, lorsqu’ils n’étaient visités que par les amis, les adulateurs et les proxénètes du prince.

Ce n’est pas là une petite jouissance pour l’ennemi de l’ancien régime, pour le fier républicain et même pour le philosophe qui se souvient de l’orgueil insolent des princes, ou de leur insouciance pour le mérite et pour la vertu.

Bagatelle réveille une foule d’idées qui ne sont point à la gloire de son ancien possesseur ; mais pouvant alors disposer de quelques bénéfices, il fut chanté par l’abbé Delille, parodiste de Virgile, qui fit aussi des vers pour payer des dons qu’il avait reçus ou qu’il sollicitait. Poètes, musiciens, vendeurs de son et de fumée, non, vous ne donnez point l’immortalité ; vous consacrez seulement quelquefois une célébrité honteuse. La muse intéressée de l’abbé Delille l’appelle son Maître et presque un second Auguste.


LE PRÉ SAINT-GERVAIS



C’est le paradis terrestre, ou, pour parler plus juste, le jardin d’amour des Parisiens.

À peine aux premiers beaux jours du printemps, le zéphyr a-t-il épanoui les lilas de sa douce haleine, mille essaims de voltigeantes beautés s’y réunissent à l’envi. On les voit circuler en chantant, dans les sentiers étroits dont ces jolis arbustes couronnent les bords. Plus promptes que les Argus qui veillent à leur garde, toutes à la fois choisissent et détachent d’un doigt mignon leurs branches fleuries. Un jour voit naître et disparaître ces trésors.