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quand chaque jour le peuple est invité à perdre la moitié de la journée pour nourrir ou mal nourrir une phalange d’histrions. Les Parisiens ont la lasciveté des moineaux francs qui peuplent leurs toits ; ils sont encore plus volages et changent de femelle plus fréquemment qu’eux : la plupart n’ont pas même leur délicatesse dans leurs plaisirs.

Aussi n’appartient-il qu’à ce peuple de badiner, de rire avec le mal qui est la suite de la luxure. Il n’est pas un angle de porte, pas un mur qui ne soit triplement couvert d’imprimés portant annonce de remède pour la guérison radicale de la maladie vénérienne. On met dans la main des vieillards, des femmes, des jeunes filles mille annonces de prétendus guérisseurs. Nul ne rougit de donner ou de recevoir le papier. Chaque quartier a sa maison de santé : ce sont des gâteaux-toniques, des pastilles, des dragées-chocolates, etc. Ensuite des charlatans de même espèce, mais moins en vogue, lui jouent la comédie à cheval ou en cabriolet, et Pierrot distribue aux assistants des remèdes antisyphiliques au son des cymbales, des clarinettes et des cors de chasse.


BAGATELLE



Ce nom rappelle la maison de plaisance du comte d’Artois qui s’est réfugié à Édimbourg dans un vieux et gothique palais, mais admirable en ce qu’on n’y peut saisir un prisonnier pour dettes ; et le ci-devant prince s’y est confiné pour éviter les poursuites de ses créanciers.

C’est une spéculation que de louer une maison lorsqu’elle rappelle les idées royales ; on y dresse des illuminations, on y fait jaillir de brillantes fusées, des bombes éclatantes ; tandis que l’explosion des boîtes, le fracas des palais enchantés qui s’écroulent deviennent l’image de la chute de ces grandeurs qui, au même lieu, s’environnaient