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plumes, de fleurs, de rubans, ou bien un mouchoir en forme de turban les assimilait aux odalisques ; aujourd’hui leurs bonnets prennent la forme de celui de la femme de Philippe de Commines : hier, leurs souliers élégants étaient chargés de rosettes et fixés au bas de la jambe avec un ruban artistement noué ; aujourd’hui une grande boucle en paillettes leur couvre presque entièrement le pied, et ne laisse apercevoir que le bout d’un léger bouquet, dont la broderie vient finir sur la petite pointe du soulier : et que l’on ne croit pas que ce soit ici la caricature de nos illustres ; à peine est-ce une légère esquisse de leurs folies, de leurs changements variés à l’infini.

Quant à celles qui trottent, elles singent assez bien les premières quant aux bonnets, aux chapeaux, aux ajustements ; mais elles sont toujours détestablement chaussées, non parce que leurs souliers sont plats, mais parce qu’ils sont mal faits, et déformés ; ce qui annonce qu’elles les achètent tout faits et qu’une jeune fille prend souvent la chaussure de sa grand’mère. Mon œil ne peut guère s’accoutumer à les voir marcher sans précaution, et quoique retroussées jusqu’à mi-jambe, se crotter encore plus que les hommes. Dans ma jeunesse, les femmes marchaient sur le bout du pied, et l’étoffe de leurs souliers était intacte : l’humidité ne passait pas la semelle.

Au moment où j’écris, les femmes ont la fureur des chapeaux de paille, des aigrettes de paille, qui remplacent les plumes triomphales.

Las de courir tout Paris pour charger ma palette, veux-je entrer dans un café, j’entends chacun se plaindre d’être ruiné par la révolution ; et tous ceux qui tiennent ce langage ne font rien et passent leur vie au café ; mais c’est un ton : il faut être ruiné par la révolution ; et celui qui avait vingt pistoles de revenu, veut vous faire accroire qu’il avait vingt mille livres de rente. Chacun appelle la paix à grands cris, et personne ne se réjouit de nos étonnantes victoires. Le bourgeois, qui a lu l’histoire romaine, n’est pas plus touché des grandes actions de nos généraux