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épargnée, tombe en ce moment sous la puissance du marteau.

Cette église coûtera bien plus à démolir qu’elle n’a coûté à bâtir.

On remarquait sur une épitaphe adossée contre un de ses piliers, qu’un manœuvre gagna dix-neuf sols neuf deniers, pour neuf journées de son travail. Le plâtre ne coûtait pas un sol le sac, et le marc d’argent n’était alors qu’à sept ou huit livres. En feuilletant les registres de cette paroisse, on trouve des noms de paroissiens fort extraordinaires ; comme Guillemette-hausse-cul, Perette Gaudette.

Deux chantres se nommaient, l’un Jean Carmen, et l’autre Jean Flageolet.

Ces temples gothiques, sous les voûtes desquels les araignées filaient paisiblement leurs toiles héréditaires, ne résonneront plus du chant timide des enfants de chœur, ni du chant mesuré des religieuses. On ne les entendra plus psalmodier, dans le cantique des cantiques, d’une voix mignarde, le verset : Veni, mea columba ; columba mea, veni.

Et cette cloche solitaire, au son prolongé, que tout Paris distinguait dans le silence des nuits, n’appellera plus à matines ces moines fameux qui, par esprit de pénitence, rendaient les mers tributaires de leurs tables, ne parlaient qu’à leurs bouteilles, taillaient des cure-dents, serinaient leurs oiseaux, coulaient des vierges en cire, et mouraient octogénaires, leurs cellules pleines de ratafias et de confitures.

Les monastères de filles, les sérails des grands visiteurs, sont changés en magasins d’épicerie et en bals champêtres. Les amours triomphants voltigent sur les débris de ces dortoirs où tant de larmes amoureuses ont coulé inutilement, et où la jeunesse, enfermée par la superstition, se flétrissait comme la rose jetée dans un terrain humide et froid.