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hardes de ces demoiselles suspendues intérieurement par manière d’étalage, ces lieux sont au sérail, ce que les gargottes sont au restaurateur Méot. Il est de vastes salons, rendez-vous assidus de tous les hommes nouveaux engraissés de rapines, des fournisseurs des armées, des faiseurs d’affaires, des administrateurs de tontines ou de loteries, des professeurs de vols nocturnes, enfin des agioteurs en chef. Là, vous êtes servis au simple coup d’œil. Le plat se porte sur la table en même temps qu’il est demandé ; et comme tous ceux qui mangent sont cousus d’or, ils y mangent et y sont servis en rois, en princes, en ambassadeurs, en financiers.

Là, des cabinets particuliers s’offrent tout à la fois à la gourmandise et à la luxure. Les glaces qui les décorent, multiplient aux regards d’un vieux satyre les appas de sa maîtresse, et tous les sièges y sont élastiques. Enfin il est un salon particulier où l’on boit des liqueurs les plus fraîches, et l’encens s’échappe en petits filets nuageux des cassolettes. Là, on dîne à l’orientale ; mais l’avare n’y entre jamais. Ces plaisirs ne sont que pour le prodigue ; mais il y retrouve certains jours toute la pompe et la bizarrerie du repas de Trimalcion. À un certain signal, le plafond s’entr’ouvre, et du ciel descendent des chars attelés de colombes et guidés par des Vénus ; tantôt c’est l’Aurore, tantôt c’est Diane qui vient chercher son cher Endymion. Toutes sont vêtues en déesses. Les amateurs choisissent, et les divinités, non de l’Olympe mais du plafond, s’unissent aux mortels. Il fut un temps où le massage des Égyptiens y avait lieu. On était massé par des mains féminines dans une étuve de vin ; mais cet acte salutaire à la santé, et qui favorisait une utile transpiration, a cessé, quoiqu’il appartînt également à la propreté et à la volupté.

Vous pensez bien que ceux qui sortent de là, sont étrangement scandalisés d’entendre retentir à leurs oreilles, le Postillon de Calais, le Messager du soir, le Miroir ; ils s’embarrassent bien de la lettre de Pochinelle, de la Constitution en vaudevilles, de la Pétition des galopins des deux