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comme des bacchantes, les cheveux épars. Là sont les groupes d’escompteurs de mandats, et qui grossissent insensiblement. Entre un mayolet en redingote bleue, chapeau rond à poil, bottes cirées, son cure-dent à la bouche ; il dit à demi-voix, cinq et demi ; on lui balbutie deux mots ; le groupe s’ouvre, il sort ; il a gagné vingt mille francs ; toutes les filles le suivent, le tutoient, folâtrent avec lui ; il les claquette sur la croupe ou les pince légèrement ; il s’envole, on ne le voit plus.

Cependant, dans les salles de vente, le Stentor a donné le signal. Les courtiers, les brocanteurs, les revendeuses à la toilette sont assis. On y vend à l’enchère les perruques de femmes ; les pendules en lyre, les châles, les mouchoirs, les chemises, les lits à la duchesse. Un crieur promène, sur des tables quadrangulaires, chacun de ces objets devant les enchérisseurs. Il s’égosille, il boit, il s’est formé une voix qui tient le milieu entre la voix humaine et le mugissement du taureau ; les manœuvres des vendeurs sont telles qu’ils vous livrent toujours la marchandise la plus détériorée ; les brocanteurs font payer plus cher tous ceux qui ne sont pas de leur clique.

Les espions rôdent dans les cafés du second ordre, on n’y politique plus ; on y boit silencieusement de la bière comme les Flamands dans leurs estaminets. Le goût de l’eau-de-vie, chez plusieurs, a remplacé le vin ; la godaillerie assise qui boit au double et qui s’incommode, reproduit quelques tableaux de Van-Ostade ; on se porte aux lieux où l’on boit et ces guinguettes sans air, sont l’endroit où j’ai eu plus de douleur à rencontrer l’homme qui s’y abrutit.

S’il existe sous les passages des trous de boutiques où des filles attirent par des œillades les passants, si l’on n’y voit que quelques rangées de paquets de poudre entremêlés de bocaux remplis de houpes ou de cure-dents, et si, dans d’autres boutiques de même espèce, qui ne sont guère plus richement fournies, on ne trouve d’autres marchandises que celles peintes sur l’enseigne, ou bien les