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VUES PRÉLIMINAIRES[1]



Je ne marche plus dans Paris que sur ce qu’il me rappelle ce qui n’est plus. Bien m’a pris de faire mon tableau en douze volumes. Car s’il n’était pas fait, le modèle est tellement effacé qu’il ressemble au portrait décoloré d’un aïeul mort à l’hôpital et relégué dans un galetas. Personne ne s’était avisé avant moi de faire le tableau d’une cité immense et de peindre ses mœurs et ses usages dans le plus petit détail ; mais quel changement !

Un poète grec a dit, il y a deux mille ans :

Quand la discorde règne dans la cité
Le plus méchant tient lieu d’autorité :


quand ce n’est pas le plus méchant, hélas ! c’est le plus sot.

Trente à quarante scélérats encore plus ineptes que barbares, sont venus décomposer tout ce que le génie et le courage avaient formé de grand et de solennel. Ces trente à quarante scélérats sont les chefs montagnards. C’est ce que je démontrerai dans la suite de cet écrit. La justice divine et humaine les a châtiés et punis les uns par les autres, mais il ne faut pas que leurs abominables maximes soient confondues avec celles de la Révolution. Car, pour peu que l’on ne distingue plus les époques, les temps et les lieux, on ne tarde pas à confondre les personnages ; et voilà pourquoi il sera peut-être impossible de bien connaître et de bien juger cette mémorable Révolution qui a eu tant de faces diverses.

On pourrait dire du nouveau Paris ce que Strabon disait

  1. Pour le classement des chapitres nous nous sommes inspiré des notes mises à la fin de la si intéressante réédition de ce livre faite en 1862 par l’éditeur Poulet-Malassis.