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des échafauds de Robespierre, et du régime sanguinaire qui a tout à la fois opprimé et avili la nation ; car sa stupeur et son silence, pendant dix-huit mois de forfaits, sont, comme je l’ai dit ailleurs, plus épouvantables à la réflexion du philosophe, que la dissolution physique d’un monde.

J’y suis, sous ces arcades, serres chaudes de toutes les plantes empoisonnées qu’on a pris soin de semer dans tous les départements : voilà le foyer des cabales et des discordes civiles ! voilà le temple où l’agiotage dévore la fortune publique et condamne à la faim des familles entières, réduites au plus affreux dénuement par un trafic solennel et meurtrier ! les voilà, ces audacieux spoliateurs de nos dernières ressources ! les voyez-vous marcher par bandes, la tête haute, le regard effronté, toujours cure-dent à la bouche, et la main au gousset pour faire résonner leurs louis ? Ils ont le teint vermeil et le ventre rebondi : le sourire de l’ironie est sans cesse sur leurs lèvres ; ils bravent le regard de l’homme de bien et les patrouilles qui les séparent sans les diviser ; ils se rejoignent en groupe comme des globules de vif-argent ; ils vont, viennent, s’accostent, se divisent par pelotons qui un instant après font masse ; celui qui se trouve au milieu, donne le mot d’ordre : c’est un signe, un geste, un demi-mot, qui change à toute heure, et soudain ils se passent le cours du louis, crayonné rapidement sur un chiffon de papier.

La voilà, cette armée ennemie que soudoie et qu’entretient le cabinet britannique ! Les guinées ont ravagé notre papier-monnaie et ont attaqué le crédit public.

Sous le Perron de la rue Vivienne sont les brigands subalternes qui exécutent les ordres des chefs avec une ponctualité non moins étonnante que leur adresse à saisir les moindres nuances du commandement.

Leur costume est assez uniforme : c’est un bonnet de poil à queue de renard. Hercule, le plus fort des hommes, se couvrait de la peau du lion, qui est le plus fort des animaux ; ceux-ci qui sont les plus fripons et les plus rusés, s’affublent