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des enfers pour punir les humains. Mais non… Je crois qu’il dut s’étonner et même se plaindre de ne pas voir autour de lui tous ses complices. Plusieurs respirent encore… mais attendons quelle sera leur fin.

On a dit et répété que Robespierre avait sauvé et voulait sauver encore les 73 représentants du peuple détenus pour leur ferme et généreuse protestation contre la journée du 31 mai ; il n’en est rien. Robespierre nous tenait en otage pour maîtriser le côté droit ; et nous devions être égorgés dans la nuit qui précéda le 9 Thermidor. Nous avons vu tous les apprêts de notre mort ; les armes, les flambeaux, tout était prêt ; les fosses étaient creusées ; on attendait le signal. Ô sainte Providence que j’adore ! tu daignas m’envoyer dans cette nuit même le sommeil le plus doux et des songes célestes ! Il entrait dans tes desseins que les 73 ne périssent point ; ils étaient innocents et ils avaient voulu sauver la France de ses grands désastres. Non, je n’ai jamais craint la mort ; j’avais un pressentiment secret que l’auteur de tout bien et de toute justice nous ferait triompher. Dans ces temps d’oppression et de calamité, mon oreiller me fut toujours doux. En pourriez-vous dire autant, Robert-Lindet ?

Et toi, farouche Amar, je me souviens de tes larmes de crocodile, quand tu vins nous visiter aux Madelonnettes,[1] après avoir assassiné les vingt-deux. Et comment comptais-tu sur ta puissance ? tu ne connaissais ni toi ni les hommes ! Tu fus féroce, et tu n’as point de remords ! Autant vaut que tu vives que de périr sous une main justement vengeresse. Le mépris te fait grâce !


Louvet. — Il eut un père dur et brutal, dont l’organisation commune ne pouvait deviner le secret de l’organisation de son fils. C’est de là probablement que s’alluma dans son âme cette haine des tyrans, qui ne s’est éteinte qu’avec ses

  1. Du 17 vendémiaire an II (8 octobre 1793) au 3 brumaire an III (24 novembre 1794) Mercier fut transféré de la Force aux Madelonnettes, de la prison des Anglais à celle des Fermes, puis à Port-Libre.