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des esprits médiocres. Sa pièce fut froide et fut sifflée, et le parodiste du législateur de la Mecque marcha des planches de son trône-autel à celles de l’échafaud.

Toutes les places portèrent les inscriptions qu’il avait dictées : Le peuple français reconnaît l’existence de l’Être Suprême et l’immortalité de l’âme. Quand je veux m’identifier au cerveau qui a tracé de pareilles lignes, j’ai beau me métamorphoser en mille manières, je ne puis deviner le sens qu’il voulait leur donner. Elles sont tout à la fois si ineptes et si ridicules, qu’on est tenté de penser qu’il n’y avait pas fait attention lui-même.

Ces inscriptions subsistèrent encore longtemps après son supplice, et cela paraît tout aussi inconcevable que de les avoir vu élever par tant de mains dociles.


J.-J. ROUSSEAU AUX TUILERIES



Il n’est pas un cœur sensible qui ne se rappelle avec délices cette belle soirée d’automne où les habitants d’Ermenonville amenèrent à Paris le cercueil de l’auteur d’Émile, sous un berceau d’arbustes et de fleurs[1].

L’air était calme ; le ciel pur : un long rideau de pourpre voilait à l’horizon les rayons du soleil couchant. Un vent frais agitait doucement les dernières feuilles.

Bientôt les sons d’une musique simple et naïve se font entendre au loin. Une foule de citoyens se précipite au-devant du cortège. Tous les cœurs palpitent de joie.

Le char funèbre entrait avec une majestueuse lenteur. Une jeunesse nombreuse le suivait dans un respectueux silence.

  1. Cette cérémonie eut lieu en octobre 1794 (vendémiaire an III).