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AVANT-PROPOS



Javais terminé, vers la fin de 1788, le tableau de Paris que j’avais commencé en 1781 et qui composait douze volumes. Je comptais avoir tout dit, du moins tout ce que je savais, de cette ville qui fixe éternellement les regards du monde entier ; et je comptais bien n’y pas revenir, lorsqu’une révolution dont le souvenir ne périra jamais, et influera sur les destinées futures de l’espèce humaine, vint bouleverser les mœurs d’un peuple paisible, changer ses habitudes, ses lois, ses usages, sa police, son gouvernement, ses autels, et lui inspirer tour à tour le courage le plus héroïque et la férocité la plus lâche. Qu’il fut grand ! qu’il fut abject ! qu’il fut impétueux ! qu’il fut patient ! Il faut admettre nécessairement dans cette ville deux peuples distincts ; l’un s’élançant généreusement vers la liberté, prompt à tout oser, invincible, généreux ; ce fut le peuple du 14 juillet et du 10 août : l’autre, souple, avide et cruel, prompt à s’emparer des victoires des républicains, à se les attribuer, à se donner pour les patriotes les plus purs, les plus clairvoyants et les plus décidés, lorsqu’ils n’étaient qu’ambitieux de pouvoir et de richesses. Les valeureux républicains furent assujettis par ces sycophantes, qui, cachés dans toutes les occasions périlleuses, se montraient lorsqu’il fallait précipiter le peuple dans le crime et commander à des bourreaux. Ainsi les braves guerriers, les fonctionnaires laborieux, les probes, les bons citoyens, ont été trompés, abusés par des démagogues qui n’ont pris le langage de la liberté que pour la rendre odieuse et exécrable ; et dans leur affreux succès, ils ne seraient qu’horribles aux yeux de la postérité ; mais qu’on