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C’est alors que les prêtres de Paris et des départements, terrifiés par les rugissements des bêtes féroces de la commune, envoyèrent leurs lettres de prêtrise à la Convention, et apostasièrent pour éviter la mort et le supplice.

Gobel, archevêque de Paris, vint confesser à la barre qu’il n’avait jamais été qu’un imposteur, qu’un charlatan ; et qu’il méprisait le culte dont il avait été le ministre. Pour de l’argent une foule de prêtres suivit son exemple ; c’était à qui se déprêtriserait.

Le 20 Novembre 1793 mit le comble à ces folies irréligieuses ; vint une file immense d’hommes rangés sur deux lignes et couverts de dalmatiques, chasubles et chapes ; on portait sur des brancards des calices, des ciboires, des soleils, des candélabres, des plats d’or et d’argent. À cette riche offrande, la gaîté s’empara de la troupe qui l’apportait ; elle demanda pour prix de son zèle et en signe de triomphe, de danser à l’instant même la carmagnole ; la Convention nationale y consentit ; et plusieurs membres, sortant de leurs chaises curules, prirent par la main les filles revêtues d’habits sacerdotaux et dansèrent la carmagnole.

Le lendemain il fut décidé que les reliques de Sainte Geneviève seraient brûlées sur la place de Grève pour y expier le crime d’avoir servi à propager l’erreur, et à faire bouillir la marmite de chanoines fainéants. Un habitué de la Montagne et le plus terrible vociférateur parmi ces énergumènes, un nommé Fayan, voulut que le procès-verbal fût envoyé à toutes les sections et au Pape ; cela passa ; et l’on fut sur le point de recommencer la danse de la carmagnole.

Mais au milieu de ces mascarades, les danseurs donnaient de l’aplomb au tribunal révolutionnaire, ordonnaient l’apothéose de Marat, aiguillonnaient le zèle homicide des proconsuls ; et par leur chère loi sur les suspects se ménageaient les moyens d’envoyer à l’échafaud ou de plonger dans la caverne des prisons quiconque n’obtiendrait pas de son comité révolutionnaire un certificat de civisme.