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Ces dilapidations furent bientôt suivies des fêtes extravagantes dont Paris donna le premier exemple à tous les départements de France. Les acteurs qui y figurèrent étaient encore ivres de l’eau-de-vie qu’ils avaient bue dans les calices, après avoir mangé des maquereaux sur les patennes. Montés à califourchon sur des ânes dont les chasubles couvraient le derrière, ils les guidaient avec des étoles ; ils tenaient empoignés de la même main, burettes et Saint-Sacrement. Ils s’arrêtaient aux portes des tabagies, tendaient les ciboires, et les cabaretiers, la pinte à la main, les remplissaient trois fois.

Des mulets suivaient, surchargés du poids des croix, des chandeliers, des encensoirs, des bénitiers et des goupillons ; ils rappelaient les montures des prêtres de Cybèle, dont les paniers remplis des instruments de leur culte, servaient à la fois de magasin, de sacristie et de temple.

C’est dans cet équipage que ces profanateurs s’avancèrent vers la Convention nationale ; ils y entrèrent bizarrement couverts des ornements sacerdotaux ; ils haranguèrent, et ils furent harangués, tandis que les acclamations les plus bruyantes applaudissaient à ces scandaleuses processions.

Cependant dans les cours, on brûlait tous les saints et les crucifix de bois ; les flammes des bûchers allongeaient leurs langues jusqu’au deuxième étage des maisons, et chacun ouvrait ses fenêtres pour y jeter les livres que le jacobinisme avait condamnés.

À l’aspect de ces neuves orgies, le peuple égaré accourait en foule, fier d’avoir secoué le joug de sa religion ; il riait aux éclats, poussait d’insolentes clameurs et portait au bûcher les confessionnaux dont il s’était affranchi. La prostituée montrait d’un air badin à son entreteneur le tableau de la chaste Suzanne à demi brûlé ; et le tableau de la Cène forma longtemps l’auvent de la boutique d’un savetier.

Chaumette, l’athée, triomphant du succès de ces profanations, crut avoir chassé Dieu de l’univers. Il poussa jusqu’au dernier excès les conceptions atroces de l’impiété. Il imagina les fêtes de la Raison.