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Ne faut-il pas être dépourvu de toute pudeur et nous croire absolument étrangers à toute espèce de bon sens, pour vouloir nous persuader que ce Danton était un républicain ? Il ne le fut jamais. Directeur des fatales journées des 31 mai et 2 juin, faites et payées par les puissances étrangères, il se préparait à tirer le petit Capet de la prison du Temple, à le promener entre ses bras dans Paris, et à se faire nommer son tuteur. D’un autre côté Robespierre dans son orgueil délirant, et aveuglé par des succès qui avaient tourné sa tête étroite, n’ambitionnait pas moins que d’épouser la fille de Louis XVI, et de se faire déclarer protecteur.

Parmi ces scélérats, c’était à qui concentrerait l’autorité entre ses mains : montés de la misère la plus profonde à une sorte d’opulence, il n’y avait point de chimère dont ils n’alimentassent leur appétit dévorant. Ligués d’abord pour régner à l’ombre de la tutelle de l’enfant dont ils se seraient défaits quand leur puissance aurait été consolidée ; divisés ensuite, parce que chacun voulait avoir la gloire de remettre le Dauphin sur le trône. Ils ne pouvaient commettre ce forfait anti-républicain, qu’en abattant la Gironde qui avait fondé la république et qui la voulait.

Le parti d’Orléans était tombé, parce que la nullité de l’homme étant constatée, le plus déhonté n’osait plus bâtir sur lui. Que l’on se représente si l’on peut tous les hommes pervers entachés de vices, tous les intrigants avides de rapines, tous les êtres couverts d’opprobre, fuyant les lieux de leur naissance, enrôlés sur ce grand théâtre où ils ne sont pas connus, et fiers d’y jouer pour la première fois un rôle pour s’ouvrir un large chemin à la fortune ; n’ayant ni domicile, ni parents, ni amis ; d’autant plus entreprenants dans leur audace, qu’ils moissonnent dans un champ étranger. Voilà l’image de la capitale à cette époque.