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dans un langage, qui, dur au début, devint progressivement grossier et même injurieux. Elle fit un mouvement pour se retirer ; mais, se ravisant, elle reprit sa place et se tut. Ses filles et ses brus rougissaient ; les hommes se regardaient, peinés mais irrésolus. Chant-d’Oisel pleurait ; Démon dévorait ses larmes.

La résignation de Mme Saint-Ybars, au lieu de calmer son mari comme elle l’espérait, le rendit furieux ; il lui jeta une épithète si insultante, qu’elle cacha son visage dans ses mains. Tous les convives, excepté Mlle Pulchérie, cessèrent de manger. Il y eut quelques secondes d’un silence effrayant ; il n’était interrompu que par des coups réguliers venant de la cour : un nègre coupait du bois pour la cuisine.

Soudain Démon, le poing serré, le visage en feu, frappe sur la table et s’écrie :

« Eh bien ! non, je ne veux pas ! c’est injuste. »

On se regarda, et on regarda Saint-Ybars ; une même anxiété étreignait toutes les poitrines.

Saint-Ybars fixant ses yeux sur Démon, lui dit d’un ton glacial :

« Qu’est-ce que Monsieur ne veut pas ?

« Je ne veux pas qu’on avilisse ma mère, répond le jeune garçon.

« Sortez de table ! crie Saint-Ybars en se dressant de toute sa hauteur.

« Démon, mon enfant, obéis, dit Mme Saint-Ybars d’une voix suppliante ?

« J’obéis, maman. »

Saint-Ybars, montrant une des portes vitrées qui regardaient la cour, dit à Démon :

« À genoux, là !

« À genoux, moi ! à genoux, parce que je prends la défense de ma mère !…j’aime mieux mourir.

« C’est ce que nous allons voir, » dit Saint-Ybars avec un ricanement sauvage.

Et se tournant vers M. de Lauzun :

« Allez me chercher la baleine. »