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CHAPITRE XVIII

L’Ouragan



À huit heures on ne voyait plus un rayon de soleil ; le jour était terne et triste. Aucun oiseau ne traversait l’espace, pas un insecte ne criait dans l’herbe ou sur les arbres ; dans le silence morne, les petites grenouilles vertes seules s’appelaient et se répondaient de leur voix grêle, heureuses qu’elles étaient de sentir approcher l’orage. La cime des arbres les plus élevés commençait à frissonner ; une pluie d’une finesse extrême, légère comme la fumée, ondoyait dans l’air plutôt qu’elle ne tombait.

Un second coup de cloche appela la famille dans la salle à manger. Le commencement du repas fut silencieux. Saint-Ybars paralysait toute expansion, tant son visage était renfrogné et menaçant ; il ressemblait à l’ouragan qui maintenant avançait rapidement.

Mme Saint-Ybars était inquiète et gênée ; elle servait mal. Son mari lui reprocha sa maladresse en termes amers et sarcastiques. Nogolka mangeait du bout des lèvres. M. de Lauzun, attentif au moindre signe de Saint-Ybars, le servait avec un redoublement d’obséquiosité ; car, autant il était impertinent envers Mme Saint-Ybars, autant il craignait son maître. Aussi méchant que poltron, il se réjouissait intérieurement de la scène qu’il voyait venir. Lagniape était près de la porte cintrée du milieu donnant sur la cour.

Mme Saint-Ybars, en passant une assiettée de court-bouillon, en laissa tomber sur la nappe. Son mari la railla