Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/86

Cette page n’a pas encore été corrigée

comme deux billes de fer rougies au feu. Elle eut peur, et voulut rétrograder. Il était trop tard. En quatre bonds Cerbère tombait devant elle, se dressait tout droit, posait ses énormes pattes sur sa poitrine, et lui montrait ses crocs formidables.

D’abord, plus morte que vive, la malheureuse resta comme pétrifiée. Mais, ranimée par l’amour maternel (car c’était son enfant qu’elle serrait contre son sein), elle reprit sa présence d’esprit, et dit d’une voix aussi naturelle que possible :

« Cerbère, eh bien ! Cerbère, que fais-tu ? me mordre, Cerbère, moi, ton amie ! »

Cerbère grogna moins fort. La femme prit confiance ; elle dégagea doucement sa main droite, et la passa sur la tête du terrible dogue, toujours en répétant son nom. Cerbère se tut tout à fait ; puis, après avoir senti le cou de la femme, il se remit sur ses quatre pattes. Cependant, le poil de son dos était encore hérissé. Il approcha plusieurs fois son museau des genoux de l’inconnue ; alors sa queue commença à osciller. Pour compléter son examen, il passa derrière la femme et flaira ses jambes. Il ne lui en fallut pas davantage, il la reconnut ; dans sa joie, il se mit à courir en décrivant de grands ronds, et en soulevant un nuage de poussière. La femme l’appela à voix basse, et mettant son index sur ses lèvres, elle répéta plusieurs fois chut ! Cerbère dressa ses oreilles d’une façon significative. La femme découvrit le visage de l’enfant qui dormait.

« Tu vois comme il est joli, mon bébé, dit-elle ; Cerbère, sens-le. »

Le gros nez noir du dogue effleura la joue, le cou, les mains et les pieds du petit enfant.

« À présent, viens, ajouta la femme : doucement ! doucement ! »

Le chien imita celle qui lui parlait, il marcha à pas de loup. Elle monta l’escalier, s’arrêtant à chaque deux ou trois marches pour écouter. Tout était tranquille ; pas une feuille d’arbre ne bruissait. La femme glissa plutôt qu’elle ne marcha sur la galerie d’en haut, jusqu’à ce qu’elle arrivât