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toujours pensé, avec quelques astronomes, que le tremblotement de la lumière stellaire tenait aux oscillations de notre atmosphère. Si j’ai raison, l’air doit être, là-bas, troublé par de violentes secousses. Je crois que cette nuit, ou demain dans la matinée, nous aurons un ouragan. »

À une heure du matin, le temps étant encore tranquille et le ciel serein, Pélasge se disposa à rentrer. Vieumaite voulut lui prêter son fusil.

« Ce n’est pas la peine, je vous remercie, dit Pélasge ; je ne sors jamais armé.

« En effet, je l’ai remarqué, répondit Vieumaite ; vous avez tort ; il est toujours bon de prendre ses précautions. Entre nous, je vous crois un peu fataliste.

« Pardon, reprit Pélasge, je ne le suis pas. Ce qui est vrai, c’est que je n’ai pas le sentiment du danger. Je ne m’en fais aucun mérite, veuillez bien le croire ; c’est quelque chose qui me manque, voilà tout.

« Je vous comprends, répliqua Vieumaite ; il y a des côtés de la nature humaine dont on ne voit pas trace chez certaines personnes. Ainsi, moi, par exemple, il y a plusieurs passions, entre autres celle du jeu, dont je n’ai jamais éprouvé la plus légère atteinte. Il n’en est pas de même de mon fils : toutes les passions qui peuvent troubler l’homme, semblent s’être donné rendez-vous dans son organisme. Heureusement, l’éducation lui a appris à les maîtriser ; il n’y a que la colère qui soit restée plus forte que lui. Allons, écoutez un bon conseil ; prenez mon fusil, quand ce ne serait que pour ne pas vous trouver à la merci de quelque gros ours, comme on en rencontre quelquefois en traversant ces immenses champs de cannes. Le canon droit est chargé à balle, le gauche à chevrotines.

« Je tiens trop à vous être agréable, répondit Pélasge, pour refuser plus longtemps. »

Il prit le fusil.

« Une précaution de plus, dit le vieillard en lui présentant quelques capsules ; le fusil pourrait rater. »

Pélasge sourit de cet excès de prévoyance, et partit sans choisir son chemin. Il marchait d’un pas tranquille, comme