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En appliquant à la construction et au fermage les principes de l’arithmétique et de la géométrie, sous la direction de son précepteur, Démon est devenu arithméticien et géomètre, sans connaître ces tortures de l’esprit que l’enseignement abstrait inflige à ses victimes. Il a appris à apprécier les bienfaits du travail matériel, en voyant l’argent qu’il rapporte employé à le vêtir, lui et les petits esclaves qui l’ aident.

Après un bon repas et une promenade tantôt à pied, tantôt à cheval, la classe commence. Démon a dépensé son surcroît d’activité aux utiles occupations de la ferme. Tranquille maintenant et jouissant d’un bien-être physique complet, il se plonge avec délices dans ses chères études. Chant-d’Oisel est là, en face de lui, heureuse de ses progrès, fière de se voir devancée par lui.

Tout le monde admire le jeune professeur, mais personne autant que Mlle Nogolka. Peu à peu son admiration s’est confondue avec un sentiment qu’elle croit être de l’amitié, et qui est beaucoup plus que cela. Dévorée du besoin de voir Pélasge, d’entendre sa voix dont le son seul fait vibrer son cœur de doux frémissements, elle souffre quand il est absent ; elle s’inquiète, elle s’attriste, la vie lui est pesante et maussade. Une fois elle s’est surprise à être jalouse de Chant-d’Oisel ; mais cette découverte ne l’a pas éclairée ; elle se croit jalouse d’amitié, comme cela se voit souvent chez les personnes de son sexe. Néanmoins, elle s’est reproché son mouvement de dépit contre son élève : elle, une personne de vingt-six ans, en vouloir à une fillette, à une enfant, parce que M. Pélasge regarde avec complaisance, c’est impardonnable ! c’est être plus enfant que son élève.

Mais Chant-d’Oisel, quoiqu’en dise Mlle Nogolka, n’est plus une enfant ; elle est entrée dans sa quinzième année, et quinze ans pour une nature précoce comme la sienne, ce sont les seize ans des autres demoiselles. Elle a grandi ; les formes extérieures de son corps annoncent déjà la jeune fille. La promptitude avec laquelle ses joues se couvrent