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sucre, semblable à une île au milieu d’un lac. Démon lui avait expliqué ce qu’était ce massif, et il avait été convenu qu’ils iraient le voir.

La terre que l’aïeul paternel de Saint-Ybars, émigré du Canada en Louisiane, avait achetée en 1749, n’était alors qu’un désert dont le centre était occupé par un bosquet de chênes séculaires. Les restes d’une tribu indigène étaient réunis sous les rameaux de ces arbres vénérables. Le nouveau venu était un homme au cœur généreux ; il respecta les Indiens. Ceux-ci, voyant en lui un ami sur lequel ils pouvaient compter, ne s’éloignèrent pas. Le fils aîné du blanc étant devenu maître de l’habitation, à la mort de son père, imita la conduite de celui-ci envers les peaux-rouges ; Saint-Ybars, à son tour, traita hospitalièrement les descendants de la tribu. Mais à mesure que la race blanche et la race noire s’étaient multipliées autour des chênes, le nombre des indigènes avait diminué ; la tribu qui à l’arrivée des blancs comptait quatre-vingts guerriers, était réduite, à l’époque où commence notre récit, à quinze individus dont un seul avait atteint les limites de la vieillesse.

Lorsque l’aïeul de Saint-Ybars était venu parler au chef ou sachem des sauvages, pour lui déclarer ses intentions bienveillantes, il avait été reçu à l’ombre du chêne qui était au milieu du bosquet. Cet arbre, en ce temps-là, était déjà gigantesque ; il ressemblait, dans sa majesté, à un patriarche entouré de ses fils et petits-fils. De temps immémorial il avait servi aux rendez-vous des différentes nations sauvages, lorsqu’elles se réunissaient pour traiter une question de paix ou de guerre. Il était connu sous le nom de sachem de la plaine. Les blancs établis en Louisiane s’habituèrent à l’appeler simplement le sachem, et dès le commencement de notre siècle, quand on prononçait ce nom, sur l’habitation Saint-Ybars, il était bien entendu qu’on parlait, non point d’un chef de sauvages, mais de l’antique géant végétal.

Au moment où Démon et Pélasge approchèrent, les hommes de la tribu assis en rond à la lisière du bosquet,