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Pélasge regarda encore une fois Mlle Nogolka.

« Elle a dû être bien belle, se dit-il ; elle l’est encore, ma foi. Ses cheveux blancs ne la déparent pas du tout ; elle ressemble à une jeune femme du temps où l’on se poudrait la tête. »

Pélasge ramena ses yeux sur son assiette, et continua son monologue mental. Quand il releva la tête, Mlle Nogolka avait les yeux fixés sur lui.

« De son côté elle m’observe, pensa-t-il : quelle idée peut-elle se former de moi ? En tout cas, je ferai de mon mieux pour m’attirer son estime ; elle paraît trop distinguée, trop intelligente, pour que je n’aie pas à cœur de lui inspirer me bonne opinion de moi. »

On allait passer au rôti, lorsque plusieurs enfants, les uns noirs, les autres bruns plus ou moins clairs, vinrent se ranger en demi-cercle près de Saint-Ybars. Nés des parents attachés au service de la maison, ils étaient bien différents des enfants dont les pères et mères travaillaient aux champs ; toujours en contact avec leurs maîtres, ils étaient beaucoup plus éveillés et plus espiègles que les négrillons du camp.

« Ah ! vous voici, vous autres, mauvais sujets, dit Saint-Ybars : êtes-vous tous propres ? chacun a-t-il son tablier ? »

La petite bande répondit en chœur : « Oui, maite ; » et chacun à son tour montra le dessus et le dedans de ses mains.

Saint-Ybars remplit lui-même plusieurs assiettes de ce qu’il y avait de meilleur sur la table, et les distribua aux enfants. Ils allèrent s’asseoir dans un coin de la salle à manger, sur une grande toile cirée, chacun son assiette entre les jambes.

Vieumaite, lisant dans la pensée de Pélasge, lui dit :

« Ce trait de mœurs vous étonne ; il est pourtant bien naturel. Ces enfants naissent à côté des nôtres, ils partagent leurs jeux ; chacun d’eux a pour parrain un de mes petits-fils, pour marraine une de mes petites-filles. Il sont soumis et aimants ; ils serait impossible de ne pas les gâter.