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cage ; vous en rencontrerez à chaque pas sur l’habitation, on ne leur fait jamais de mal ; ils sont familiers avec moi comme si j’étais un des leurs.

« Vous cultivez la musique, n’est-ce pas ?

« Oui, Monsieur, j’apprends le piano et le chant avec Mademoiselle Nogolka.

« Nogolka ? si je ne me trompe, c’est un nom russe.

« Oui, Monsieur ; ma maîtresse est de Moscou ; elle a achevé son éducation classique en France, et son éducation musicale en Italie ; elle a professé à Londres. Grand-père, qui s’y connaît, assure que personne ne possède mieux qu’elle le français, l’anglais, l’italien et l’espagnol ; elle est forte mathématicienne.

« Si j’en juge d’après vous, Mademoiselle, votre maîtresse pratique avec habileté l’art de l’enseignement ; je n’ai jamais rencontré de Parisienne de votre âge, qui parlât le français mieux que vous ; non seulement vous le parlez bien, mais vous n’avez pas le moindre accent. »

Lorsque Pélasge était parti de Cadix pour la Louisiane, il savait bien qu’il n’allait pas dans un pays de sauvages ; il était mieux renseigné que certain nouvelliste écrivant sérieusement, dans un journal du dimanche à Paris, que la Nouvelle-Orléans est située au bord de la mer, et que chaque année, à la fête des voudoux, on y mange un petit enfant tout vivant. Cependant, bien qu’il sût qu’il était chez un peuple civilisé, il ne s’était pas attendu aux mœurs raffinées dont la fille de Saint-Ybars lui offrait un échantillon. Il réfléchit sur tout ce qu’elle venait de lui dire ; et, comme il était naturellement circonspect, il se promit de se tenir sur ses gardes, en entrant dans le milieu où ses fonctions de professeur l’appelaient à vivre.