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Il ne tenait plus à la terre que par un lien ; ce lien, c’était le vieux sachem. C’était son compagnon, son confident ; il l’aimait depuis dix-huit ans. Sa vie de cœur était là, dans l’ombre de ces rameaux d’où le silence et la tranquillité descendaient pour l’entourer, et pour protéger les rêveries dans lesquelles il voyait accourir à lui Chant-d’Oisel, Démon, Blanchette, Mamrie, Vieumaite, lui souriant et lui parlant.

On n’avait jamais vu Pélasge pleurer. Qui sait ? peut-être pleura-t-il plus d’une fois au pied du vieux sachem ; c’est un secret qu’ils ont toujours gardé l’un et l’autre.

Il y avait quatorze mois que Pélasge vivait de cette vie intérieure et taciturne ; il ne sortait de sa solitude et de son silence qu’à de rares intervalles, lorsque Livia venait régler ses comptes avec lui. Il ne croyait plus au bonheur ; il aspirait seulement à la tranquillité. Mais de quelque manière que l’on vive, même dans un désert, la vie garde son droit de ménager des surprises, bonnes ou mauvaises, à qui croit s’être mis à l’abri de ses vicissitudes. Une nuit, Pélasge fut réveillé par un violent orage. La pluie tombait à torrents, le tonnerre grondait sans intermission. Enfin, aux approches du jour, les roulements de la foudre se ralentirent. Il y eut même un silence de quelques minutes. Pélasge croyait l’orage fini, lorsqu’une détonation brusque et courte, mais d’une force prodigieuse, éclata. Par un mouvement involontaire et dont il n’eut même pas conscience, il se trouva assis dans son lit ; il crut que la foudre tombait sur la ferme. À cette explosion soudaine succéda immédiatement un bruit lourd et prolongé. Le sol trembla ; toutes les parties de la maison craquèrent. Pélasge étonné se demanda ce que cela pouvait être : un bolide ? un aérolithe ? un tremblement de terre ? Il se leva. Cette fois, l’orage était bien fini ; la campagne avait repris son silence ordinaire. Les nuages s’entr’ouvrirent à l’Orient, et laissèrent passer la lumière du soleil. Pélasge, avant de sortir, ouvrit sa fenêtre du même côté, comme il faisait chaque matin, pour saluer d’un regard son vieil ami le sachem. Il recula,