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vêtue, échevelée, les yeux hagards, et se précipita dans la cour. Livia l’arrêta pour lui demander ce qui arrivait. Au milieu des paroles incohérentes de la jeune fille, Mamrie et Livia distinguèrent un fait déplorable, c’est que Démon et Blanchette étaient morts.

Livia, emportée par la curiosité, entra dans la maison. Mlle Georgine se reprit à fuir, et s’échappa dans la campagne.

Lagniape était dans la cuisine ; elle criait, appelait les uns et les autres, levant les bras au ciel, et demandant quel malheur mettait ainsi toute la maison sens dessus dessous.

Livia revint auprès de Mamrie ; elle lui fit, en pleurant et en gémissant, un tableau de ce qu’elle venait de voir. Mamrie ne cria pas ; elle resta immobile, assise dans la poussière ; de ses yeux éteints et fixes roulaient de grosses larmes. Tout à coup ses pleurs s’arrêtèrent ; elle demanda à Livia où était M. de Lauzun. Livia répondit qu’il était dans la chambre de Démon, avec Pélasge.

« Cé bon, dit Mamrie, couri côté Lagniape ki apé crié comme ain possédé, san li connin cofair ; di li ain bonne foi ça ki rivé, au moin la crié pou kichoge. »

Pendant que Livia parlait à Lagniape, Mamrie cherchait dans son tas de couteaux. Ayant trouvé le couteau à découper, elle le cacha dans son corsage, et appela Livia. Elle se fit conduire par elle à la chambre de Démon. Un peu avant d’arriver à la porte, elle dit à Livia :

« Largué moin. »

Livia la laissa. Elle arriva sur le seuil, en tâtonnant. Là, elle s’arrêta, et dit :

« Lauzun, mo fi, to là ?

« Oui, Mamrie, répondit M. de Lauzun, mo là ; ça vou oulé ?

« Tan pri, Lauzun, pranne mo lamin pou condui moin côté mo cher piti Démon. »

M. de Lauzun prit Mamrie par la main, et la conduisit près du fauteuil. De sa main droite elle reconnut le corps de Démon ; elle promena ses doigts, d’une manière caressante,