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Le bruit de la mort de M. des Assins se répandit partout. Les mères de famille s’en réjouirent. Son oraison funèbre ne fut pas longue ; elle était dans toutes les bouches : « C’est bien fait, disait-on ; il ne l’a pas volé, le bandit ! »

Quand Démon rentra avec Blanchette, Mamrie le saisit au passage, pour lui reprocher d’être allé ainsi, à son insu, s’exposer à être tué. Démon lui répondit que cela valait bien mieux ; qu’au moins de cette façon il l’avait soustraite aux angoisses de la crainte.

Les cousines de Démon le félicitèrent d’avoir débarrassé le pays d’un homme redouté comme M. des Assins. Mlle Pulchérie lui prédit froidement qu’il aurait bien d’autres duels, s’il persistait dans son idée d’épouser Blanchette.

Mamrie voulut connaître la cause du duel. Elle interrogea la plus jeune des cousines de Démon. Lagniape était à côté de Mamrie ; elle ne perdit pas un mot de ce que dit la jeune demoiselle. Mamrie fut d’abord étonnée d’apprendre que Blanchette était la fille de Titia. Après avoir réfléchi, elle se mit à rire et dit à la cousine de Démon :

« Ah ! ouëtte, tou ça cé bétise. Si kékeune té pas montré lette-là à Mamzel Pulchérie, Blanchette sré toujour ain blanche. Malgré lette-là èceque so lapo pa pli blanche pacé vou kenne ! Pour sûr si vou té capab changé vou lapo pou so kenne, vou sré pa di non. »

Lagniape à son tour prit la parole.

« Mademoiselle, croyez-moi, dit-elle, ne jetez pas la pierre à Blanchette ; écoutez plutôt votre bon cœur que vos préjugés ; car, vous êtes bonne, vous, Mademoiselle. Je vous ai vue pleurer en lisant l’histoire d’une jeune paria : vous trouviez injuste et cruel qu’il ne fût pas permis au jeune homme qui l’aimait de l’épouser, parce qu’ils n’étaient pas de la même classe. La pitié que vous aviez pour cette paria, ne l’aurez-vous pas pour Blanchette ? Ayez confiance en ce que vous dit une vieille femme : la plus grande beauté pour une jeune fille, c’est d’être bonne et généreuse. »

La cousine de Démon s’en alla, toute pensive. Elle se nommait Georgine.