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« Grâce, Mademoiselle, grâce, assez pour ce soir ! dit-elle ; je suis anéantie ; vous ne pouvez plus me faire de mal, c’est comme si vous frappiez sur une morte ; laissez-moi seule avec mon malheur, il n’a pas besoin d’être aidé par vous. »

Blanchette était jeune et jolie, Mlle Pulchérie avait cessé d’être jeune depuis longtemps, et elle n’avait jamais été jolie ; Blanchette était sympathique et aimante ; Mlle Pulchérie n’était que haine et envie. Mlle Pulchérie haïssait amèrement Blanchette, et Blanchette, née pour aimer, ne comprenait pas plus la haine qu’un enfant ne comprend l’algèbre.

Mlle Pulchérie revint au salon, et, écumant encore de fiel et de colère, elle raconta à la tante de Démon comment elle venait de traiter Blanchette. Grand fut son étonnement, grande sa mortification, de voir la sœur de Mme Saint-Ybars émue de pitié.

« Vous êtes allée trop loin, ma chère, dit la vieille dame ; rendre cette malheureuse enfant responsable de la mort de Démon, c’est trop, c’est injuste. »

Elle se rendit auprès de Blanchette, et essaya de la consoler. Blanchette se jeta avec confiance dans ses bras.

« Vous au moins, vous êtes bonne, chère tante, dit-elle ; vous avez pitié de moi. Laissez-moi vous appeler encore tante, c’est la dernière fois. Qu’on me dise tout ce qu’on voudra, que je suis une négresse, que ma mère était une esclave, que j’étais née pour l’être aussi ; mais c’est horrible de me reprocher ce duel, à moi qui donnerais ma vie pour sauver Démon. Ah ! si Nénaine était là, elle prendrait ma défense ; on ne m’accablerait pas comme ça. »

La sœur de Mme Saint-Ybars ne put retenir ses larmes ; elles firent plus que tout le reste, pour consoler Blanchette.

Vers onze heures le calme s’était rétabli dans la maison. Blanchette s’était jetée sur son lit, pour pleurer. Le sommeil, aidé par l’épuisement du corps et de l’esprit, s’empara d’elle, malgré les sanglots qui continuaient de secouer sa poitrine.

Pélasge avait envoyé un exprès à son médecin, pour