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Démon salua poliment, et se retira. Il sortit avec Blanchette ; ils firent une longue promenade. Démon fut plus expansif et plus tendre que jamais. Blanchette était heureuse ; elle écoutait, avec des frémissements délicieux, les paroles de Démon ; elle noyait son regard dans le sien, comme pour lui répondre qu’elle vivait toute en lui, et que si leur promenade pouvait durer indéfiniment, ce serait, sur la terre, le rêve réalisé de l’âge d’or.

Ils revinrent par la levée, ravis d’être seuls dans le silence, au coucher du soleil, oubliant qu’il y a par le monde des hypocrites, des envieux, pour qui le bonheur d’autrui est une torture, et avec lesquels, malheureusement, il faut toujours compter tôt ou tard.

En doublant un coude, que formait le chemin pour suivre les sinuosités du fleuve, Démon et Blanchette aperçurent à quelque distance, un groupe composé d’une dizaine de personnes. À l’idée qu’il fallait passer devant ces indifférents, Blanchette fit une moue d’enfant contrarié. À mesure qu’ils avançaient, Démon croyait reconnaître M. des Assins. C’était bien lui. Démon le vit s’avancer, de manière à se placer au bord du chemin.

Il y avait trois dames dans le groupe ; elles chuchotaient derrière leurs éventails.

« C’est la première fois, dit l’une d’elles, que je vois le jeune Saint-Ybars ; c’est, ma foi, un beau garçon. Mais il a tort de sortir comme cela, en public, avec une fille de couleur.

« Pauvre petite Blanchette ! dit une autre ; c’est vraiment dommage : elle est si gentille !

« Elle aurait toujours passé pour blanche sans cette mauvaise langue de Pulchérie, remarqua la troisième dame ; quelle guêpe, quel scorpion, quel serpent à sonnette que cette vieille fille ! »

Blanchette aussi remarqua M. des Assins. Elle le connaissait de réputation. Il lui était antipathique ; mais comme elle n’aimait pas à s’occuper des gens méchants, elle n’avait jamais parlé de lui à Démon.