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Quand il crut l’avoir trouvé, il emmena Démon sous le vieux sachem, pour être bien seul avec lui. Là, après lui avoir dévoilé le secret de la naissance de Blanchette, il lui montra Mlle Pulchérie, sa tante et sa cousine liguées contre lui et sa fiancée. Il l’engagea à quitter le pays, et pour l’aider à s’assurer une vie indépendante et heureuse avec Blanchette, sous le ciel qui lui conviendrait, il lui offrit généreusement la fortune qu’il avait amassée par son travail. Démon lui serra énergiquement la main, et lui dit :

« Vous êtes un noble cœur. Vous dépouiller ainsi, pour que nous puissions être heureux, Blanchette et moi ! Vous réduire à la pauvreté pour nous dérober aux atteintes d’un préjugé ! Non, c’est trop, mon ami. Même quand je serais disposé à accepter votre sacrifice, je m’en abstiendrais par respect pour moi-même. M’en aller ! fuir comme un criminel ! m’expatrier par peur de la critique ! ce serait reconnaître des droits à l’injustice ; ce serait donner raison à la tyrannie et à la proscription. Je ne le ferai pas ; je resterai, j’épouserais Blanchette ; tant pis pour ceux qui ne seront pas contents. »

Pélasge n’insista pas ; dans son for intérieur, il pensait comme Démon. Il fut convenu entre eux qu’on tairait la chose à Blanchette, au moins pour le moment ; il ne fallait pas l’affliger sans nécessité.

Un terrible assaut attendait Démon chez lui. Sa tante, Mlle Pulchérie et ses cousines s’enfermèrent avec lui, et partant de ce point ― que famille oblige ― elles entreprirent de lui prouver qu’il ne pouvait pas, par respect pour la parenté, s’unir à une fille de couleur.

Démon n’avait jamais brillé par la patience ; il interrompit le réquisitoire de ces dames, et leur dit :

« Vous êtes vraiment plaisantes, Mesdames ; vous disposez de moi comme si je vous appartenais ; vous renversez tous mes projets, en me rendant solidaire de vos idées surannées et ridicules. Dites-moi, je vous prie : quand je me suis trouvé sans argent, à l’étranger, m’avez-vous rendu solidaire du bien-être dont vous jouissiez ici ? à mon