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ma chère, une esclave de Saint-Ybars. Quant au père, c’était M. X ; vous savez, celui qui a été tué à Shiloh. »

Une réconciliation s’était opérée entre la tante de Démon et Mlle Pulchérie. On était alors au printemps. Mlle Pulchérie avait été très occupée pendant l’hiver, et elle était venue prendre quelques jours de repos à la campagne, chez sa vieille amie. Celle-ci avait aussi offert l’hospitalité à M. Héhé, qui était, pour toutes les familles de la contrée, une connaissance d’ancienne date. À la même époque, M. le duc de Lauzun commençait une nouvelle tournée politique dans les campagnes, haranguant les affranchis et les excitant contre leurs anciens maîtres qu’il affectait d’appeler les Bourbons. Il ne parlait plus que l’anglais ; il assurait qu’il avait oublié le français.

Démon fut brusquement dérangé dans sa vie paisible et heureuse. Sa tante, ses cousines et Mlle Pulchérie envahirent sa maison, comme une nuée d’étourneaux criards, et, sous prétexte d’amitié, lui déclarèrent sans façon qu’elles passeraient une semaine chez lui. Démon, malgré tous ses efforts pour être poli, ne put empêcher sa mauvaise humeur de percer. Blanchette se contint mieux ; elle s’attacha même, pour masquer le mécontentement de Démon, à se montrer plus complaisante et plus aimable que jamais. Aussi, fut-elle étonnée de la froideur hautaine avec laquelle on répondait à ses prévenances.

Mlle Pulchérie et la tante se rendirent à la ferme, et demandèrent à Pélasge un entretien particulier. Elles exigèrent qu’il fermât les portes à clé. Elles mirent deux heures à lui apprendre ce qui aurait pu lui être dit en cinq minutes, à savoir que Blanchette était la fille de Titia. Il est vrai qu’elles se lancèrent à perte de vue dans les considérations d’honneur et de respect pour la famille, qui imposaient à Démon la nécessité de ne plus traiter Blanchette sur un pied d’égalité.

Au sortir de ce colloque, Pélasge était bien soucieux. Il prévoyait les suites déplorables de la révélation qui venait de lui être faite. Il interrogea son esprit et son cœur sur le meilleur moyen de prévenir une catastrophe.