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« Un des effets les plus déplorables de cet état de choses, est la recrudescence des préjugés et des haines de races. Vous constaterez même que l’esprit de caste est plus prononcé qu’il ne l’était du temps de l’esclavage.

« La guerre n’a été que le prélude de la révolution politique et sociale qui devait changer nos conditions d’existence. C’est maintenant que cette révolution se fait. Or, vous le savez, rien ne ressemble plus à la mort que les changements de vie ; on croirait, à voir ce qui se passe, que la Louisiane va s’engloutir dans un abîme de sang et de ruines. La coalition qui porte le nom de parti républicain, déclare qu’il faut anéantir l’ancienne aristocratie blanche ; de leur côté les anciens possesseurs d’esclaves cherchent à supprimer les nègres et à les remplacer par des Chinois. Vous serez étonné de la désinvolture avec laquelle, dans ce pays de démocratie, on parle d’exterminer des classes entières de citoyens ; vous croirez être en Turquie ou en Russie.

« Où est le remède ? Je vous dirai franchement ce que j’en pense.

« Le temps et l’expérience ont prouvé que les nègres étaient, au moins jusqu’à nouvel ordre, les travailleurs les plus efficaces dans un climat comme celui de la Louisiane. Loin de se réjouir d’en voir diminuer le nombre, comme font certaines personnes, on devrait souhaiter qu’il augmentât. Pour cela, que faut-il faire ? éclairer le nègre, développer chez lui l’esprit de famille. S’il continue à être tué en détail, à chaque élection, ou à se suicider au cabaret ; si les jeunes négresses persistent à ne pas devenir mères, et à affluer dans les villes pour y vivre de prostitution, la race noire s’éteindra en Louisiane comme la race rouge.

« On parle d’immigration européenne : je ne la vois pas venir. L’étranger sait que la fièvre jaune se répand aujourd’hui dans les campagnes ; pour qu’il en bravât le péril, il faudrait lui assurer de bien grands avantages.

« En attendant, le nègre est le vrai paysan de la Louisiane. Nous avons vécu avec lui esclave ; pourquoi ne