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« C’est moi, chère maman, moi Démon, votre dernier fils, votre Benjamin, le jumeau de Chant-d’Oisel.

« Démon ? soupira Mme Saint-Ybars, Démon et Chant-d’Oisel ? mais elle est partie, Chant-d’Oisel.

« Et moi je reviens pour vous consoler, pour vous aimer, reprit Démon ; reconnaissez-moi, chère maman, je suis Démon, regardez-moi bien. »

Mme Saint-Ybars posa ses mains sur les épaules de son fils, et le regarda longtemps. À force de tendre le peu de volonté qui lui restait, elle ressaisit le fil de ses souvenirs ; l’intelligence reparut graduellement sur sa physionomie, comme une lumière lointaine qui grandit dans les ténèbres en approchant.

« Oui, dit-elle, tu es bien un Saint-Ybars ; tu es le portrait de ton père. Tu tiens de moi aussi ; voilà bien mes yeux d’autrefois, quand j’étais jeune et belle ; voilà le front de ma famille. »

Elle s’arrêta ; elle regardait la cicatrice. Son visage se rembrunit ; puis, elle fit un geste comme pour chasser un souvenir déplaisant.

« Mon fils, recommença-t-elle, ton père avait de belles qualités comme beaucoup d’hommes n’en ont pas ; nous devons chérir sa mémoire.

« Oui, ma mère, je la chéris, je la respecte.

« C’est très bien, mon enfant, embrasse ta vieille mère. »

Démon embrassa sa mère, et lui dit en la pressant sur sa poitrine :

« Je sais ce qu’il vous faut ; vous voulez du silence et du repos : vous serez satisfaite. Nous sommes très bien ici, dans la maison de mon grand-père ; il l’avait bâtie pour avoir, lui aussi, cette paix que l’on aime quand on a atteint la vieillesse. Ne vous inquiétez de rien, j’aime le travail, je ferai rapporter à ce petit domaine tout ce qu’il vous faut pour bien vivre. Blanchette veillera sur vous comme une fille dévouée, et cette bonne Lagniape qui n’a pas perdu, je pense, son amusant babil d’autrefois, vous tiendra compagnie. »

Il se leva pour aller serrer la main de Lagniape.