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tu t’es imposé des privations, pour m’envoyer de l’argent à Paris. Mamrie, tu es une sainte ; non seulement je t’aime toujours, mais j’ai pour toi autant de respect que de reconnaissance.

« Pé donc ! pa parlé comme ça, dit Mamrie ; mo fé ça mo té doi fé. To blié parlé créol ; mo oua ça ; tapé parlé gran bo langage de France ; épi asteur, effronté, to tutéié to Mamrie. Mo palé grondé toi pou ça ; an contraire, ça fé moin plésir to tutéié moin, to acé gran pou ça. »

Pélasge et Démon prirent les devants. En passant près des ruines de la maison paternelle et de ses dépendances, Démon fit une petite halte. Ses yeux se remplirent de larmes ; Pélasge lui serra la main.

« Ami, dit Démon, sachez-le bien : je pleure, non point la maison, mais les personnes que j’y ai aimées et qui ne sont plus. Les conditions sociales au milieu desquelles je suis né, reposaient sur une violation flagrante du droit humain. Elles devaient nécessairement disparaître ; elles ont disparu, en entraînant dans l’abîme ma part de l’héritage paternel. Je m’en console ; que dis-je ? je m’en réjouis. J’ai rougi plus d’une fois, quand je pensais à la source d’où venait l’argent que je dépensais. Que la pauvreté soit la bienvenue ; je lui dois le calme de ma conscience et le respect de moi-même. Et à vous je dois, ami, la révélation d’une vérité qui rend l’homme fort et fier. C’est vous qui m’avez appris que le travail est la loi fondamentale de l’humanité, et que sans lui il n’y a pas de bonheur réel.