Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/139

Cette page n’a pas encore été corrigée

avec lui ; rien ne pouvait apaiser sa soif d’apprendre. Pour elle apprendre et toujours apprendre, c’était grandir sans fin dans l’estime de son professeur devenu son ami. Et lui, ne le voyait-elle pas élargir sans cesse, par l’étude, l’horizon de ses connaissances, creuser plus profondément les questions qui se rattachent à l’histoire de l’homme et des sociétés ? Elle l’admirait, elle était fière de lui ; elle le trouvait si supérieur aux autres par le cœur et l’esprit ! Elle s’imprégnait de sa chaude et belle âme ; elle rayonnait de joie quand elle avait exprimé verbalement, ou sur le papier, des pensées qu’il approuvait. Comme lui, elle avait foi en l’avenir. Elle ne se demandait pas ce que dirait son père, s’il venait à savoir qu’elle s’était fiancée avec Pélasge ; l’idée qu’on pourrait le trouver indigne d’elle, ne lui était jamais venue à l’esprit. Son caractère s’était formé ; sans rien perdre de sa douceur, il avait considérablement acquis en fermeté et en décision ; il se rapprochait, de plus en plus, de celui de Démon. Elle avait une haute opinion de la personnalité humaine, et en toutes choses elle entendait réserver son libre arbitre comme un droit inaliénable. Elle était ouvertement opposée à l’institution de l’esclavage ; par convenance elle n’en parlait pas devant les domestiques, mais au salon elle prenait son franc-parler. Elle ne quittait jamais le terrain des principes ; ce n’étaient pas des opinions qu’elle avait, mais des convictions ; si elle avait fléchi devant des considérations d’intérêt, elle eût commis, au tribunal de sa conscience, un acte de lâcheté et de trahison envers la cause de la vérité et de la justice. Mais elle était femme ; quand elle entendait les cris d’un esclave qu’on châtiait, elle pleurait. Dans ces moments d’angoisse, heureusement rares, Pélasge était sa grande consolation ; il lui faisait entrevoir, dans l’avenir, les adoucissements que la force des choses et l’esprit du siècle ne pouvaient manquer d’apporter au sort des esclaves. Il lui rappelait « combien, depuis une cinquantaine d’années, leur condition s’était améliorée. Il était persuadé que si la presse du Sud, se montrant digne de sa mission, avait le courage de conseiller l’abolition graduelle de l’esclavage,