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c’était celle où l’auteur affirme qu’il n’y a jamais rien d’impossible à qui veut chercher les divers moyens d’arriver au but. M. de Lauzun fouilla donc dans son esprit, et, comme il n’avait pas le moindre scrupule sur la nature des moyens, il en trouva un.

Chant-d’Oisel envoyait Blanchette à la promenade avec Titia, le matin et au coucher du soleil. Titia poussait la petite voiture, dans laquelle l’enfant s’asseyait quand elle était fatiguée de marcher. Le plus souvent Titia suivait la grande avenue des chênes. M. de Lauzun ne manquait jamais de la rencontrer dans ces promenades. Comme il ne parlait plus de son amour à Titia, elle l’en croyait guéri, et lui cédait volontiers sa place pour pousser la petite voiture.

Le moment de jouer le coup décisif, se présenta enfin.

M. de Lauzun attira adroitement Titia au bord du fleuve, et, par manière de divertissement, posa Blanchette dans une pirogue qu’il se mit à pousser et à ramener au rivage, sans jamais lâcher la corde à laquelle elle était attachée. La chose amusait beaucoup Blanchette ; elle riait et répétait sans cesse : « Encore. » Titia, par prudence, répétait de son côté : « Lauzun, prenez garde.

« Soyez donc tranquille, répondait M. de Lauzan ; il n’y a pas le moindre danger. »

Il fila insensiblement la corde, jusqu’à ce qu’il eût dépassé l’endroit où, la veille, il l’avait presque entièrement coupée. Alors, tirant dessus, il la rompit. Il poussa un cri de surprise, et dit sur le ton de l’alarme :

« La corde est cassée ! »

Titia regarda et frémit : le courant emportait la pirogue, d’un mouvement très lent mais continu. Effarée, elle allait crier pour appeler au secours, lorsque M. de Lauzun lui imposa silence, en lui disant froidement :

« C’est inutile, nous sommes trop loin ; personne n’entendrait votre voix ; il n’y a que moi qui puisse sauver Blanchette.

« Sauvez-la donc, s’écria Titia.