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La petite eût bien voulu répondre à son appel, mais elle n’osait pas. Cependant, la figure de l’inconnue qui la priait, prit une expression si désespérée qu’elle n’hésita plus ; elle quitta la main de Saint-Ybars, et courut vers la suppliante.

« Comme vous bel ! dit l’esclave d’une voix caressante ; vou gagnin ain ti lair si tan comifo ! vou popa riche, mo sûr ; di li achté moin. Ma linmin vou tou plin. Epi si vou té connin comme mo bonne coiffeuse é bonne couturière ! ma rangé si bien joli cheveu doré laïé ! couri vite di vou popa li achté moin. »

La fille de Saint-Ybars, car cette charmante enfant était sa fille, n’avait pas besoin qu’on lui mît, comme on dit vulgairement, les points sur les i ; elle comprit la détresse de l’esclave, et se sentit prise de compassion. Revenue près de son père, elle lui dit en lui montrant la jeune femme :

« Papa, achète-la pour moi ; elle est bonne coiffeuse, bonne couturière.

« Mais, mon enfant, répondit Saint-Ybars, nous avons tout cela à la maison.

« T’en prie, papa, reprit la fillette, achète-la pour l’anniversaire de ma naissance qui est dimanche prochain ; tu me rendras si heureuse, cher papa. »

Tout était passion chez Saint-Ybars ; il avait pour sa fille une affection ardente, sans bornes. Que n’eût-il pas fait, pour la rendre heureuse ? pouvait-il refuser ce qu’elle demandait pour l’anniversaire du jour où elle avait apparu au monde ? non, certes. Aussi, laissa-t-il sa fille le prendre par la main, et le conduire, comme un grand enfant, vers celle qui le désirait pour maître.

La jeune esclave se nommait Titia. Quand elle vit venir Saint-Ybars et sa fille, elle rayonna de contentement.

« Ma fille vous désire pour la servir, lui dit Saint-Ybars ; est-ce que vous aimeriez à venir avec nous ?

« Oh ! oui, Monsieur, répondit-elle, c’est tout ce que je voudrais. Je suis née et j’ai grandi chez des gens comme il faut ; je serai à ma place dans une famille comme la vôtre. »