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Havre ; il allait achever ses études à Paris. Son père et Pélasge reçurent ses adieux sur le pont, au moment où on levait l’ancre.

Démon absent, on vit combien grande était la place qu’il occupait au foyer domestique ; on sentait autour de soi un vide énorme ; tous, excepté Mlle Pulchérie, trouvaient la maison aussi triste que si elle eût été tendue de deuil.

Le départ de Démon laissa Nogolka dans une situation pleine d’angoisses. Elle pensait, non sans raison, que Pélasge ne tarderait pas à quitter l’habitation : il n’attendrait certainement pas qu’on lui fit sentir que sa présence n’y était plus nécessaire ; il était trop fier pour cela. Lui parti, qu’allait-elle devenir ? Elle ne dormait presque plus ; le peu de sommeil qu’elle avait, était agité de mauvais rêves ; elle était distraite, les dates et les jours se confondaient dans son esprit ; elle donnait mal ses leçons à Chant-d’Oisel ; elle était mécontente d’elle-même.

Saint-Ybars croyait s’être réhabilité dans l’opinion de Nogolka, en pardonnant à Mamrie ; il se reprit à espérer. Mais Nogolka se maintint, devant lui, dans une attitude si glaciale que force lui fut de s’avouer qu’il poursuivait une chimère. Il sentit qu’après avoir été odieux, il devenait ridicule. Alors, sa fierté se révolta. Il résolut de mettre un terme à une situation qui torturait son cœur et blessait son amour-propre ; mais il se promit de le faire en gentilhomme. Il alla trouver son père, et lui avoua tout. Un homme a beau avoir atteint l’âge mûr, il est toujours un enfant pour son vieux père. La confiance de Saint-Ybars, ses regrets, sa douleur, ses larmes émurent Vieumaite ; le vieillard gronda son fils doucement, le plaignit, l’embrassa.

« Tu fais bien, lui dit-il, de rendre à Mlle Nogolka sa liberté ; pour nous autant que pour elle, il importe de mettre fin à une situation dont une circonstance imprévue pourrait compromettre le secret. Puisque tu le désires, je me charge de remercier Mlle Nogolka. En outre, tu veux que je lui donne ce portefeuille comme s’il venait de moi ; c’est le seul moyen, dis-tu, de lui faire accepter la gratification