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douleur. Je demandai à l’un d’eux pourquoi on sonnoit ces cloches funèbres & quel accident étoit arrivé ?

Un des plus terribles, me répondit-il en gémissant. Notre justice est forcée de condamner aujourd’hui un de nos concitoyens à perdre la vie, dont il s’est rendu indigne en trempant une main homicide dans le sang de son frere. Il y a plus de trente ans que le soleil n’a éclairé un semblable forfait : il faut qu’il s’expie avant la fin du jour. Oh ! que j’ai versé de larmes sur les fureurs où se porte une aveugle vengeance ! Avez-vous appris le crime qui s’est commis avant-hier au soir ?… Ô douleur ! ce n’est donc pas assez d’avoir perdu un vrai citoyen, il faut que l’autre subisse encore la mort… Il sanglottoit… Écoutez, écoutez le récit du triste événement qui répand un deuil universel.

Un de nos compatriotes, d’un tempérament sanguin, né avec un caractère emporté, mais qui d’ailleurs avoit des vertus, aimoit à l’excès une jeune fille qu’il étoit sur le point d’obtenir en mariage. Son caractere étoit aussi doux que celui de son amant étoit impétueux. Elle se flattoit de pouvoir adoucir ses mœurs ; mais plusieurs traits de colere qui lui échapperent fréquemment ; (malgré le soin qu’il prenait à les déguiser) la firent trembler sur les suites funestes que