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L’AN DEUX MILLE

routine, qui a été aussi funeste au monde que l’avidité des rois & la cruauté de leurs ministres.

— Je suis bien aise de savoir que les choses sont ainsi. J’aime vos médecins : ils ne sont donc plus des charlatans intéressés & cruels, tantôt adonnés à une routine dangereuse, tantôt faisant des essais barbares & prolongeant le supplice du malade qu’ils assassinoient sans remords. À propos, jusqu’à quel étage montent-ils ? — À tout étage où se trouve un homme qui aura besoin de leur secours. — Cela est merveilleux : de mon tems les fameux ne passoient pas le premier ; & comme certaines jolies femmes ne vouloient recevoir chez elles que des manchettes à dentelle, ils ne vouloient guérir eux que des gens à équipage. — Un médecin qui parmi nous se rendroit coupable d’un pareil trait d’inhumanité, se couvriroit d’un deshonneur ineffaçable. Tout homme a droit de les appeller. Ils ne voient que la gloire d’ordonner à la santé de refleurir sur les joues d’un malade ; & si l’infortuné, ce qui est très rare, ne peut produire un juste salaire, l’État se charge alors du soin de la récompense. Tous les mois on tient régistres des malades morts ou guéris. Le nom du mort est toujours suivi du nom du médecin qui l’a traité. Celui-ci doit rendre compte de ses ordonnances, & justifier la marche qu’il a tenue pendant chaque mala-